Restauration intérieure d’un bâti par Gérard Da Rugna

Pour ce mois de février 2017, nous partons près de Lavaur découvrir le chantier de Gérard Da Rugna et Jean-Michel Fauré, tous deux ayant leur entreprise indépendante dans le Tarn (81). Gérard Da Rugna, adhérent du Club de la chaux depuis de nombreuses années et installé en maçonnerie et taille de pierre depuis 1985, a souhaité nous présenter un chantier de restauration intérieure d’un bâti, datant de plus d’un siècle.


« Grâce au bouche à oreille, j’ai été contacté par un particulier pour restaurer l’intérieur de ce lieu. Sa particularité est son support caractéristique de la région, en briques de terre crue, recouvertes d’un enduit de terre, avec un corps d’enduit et une couche de badigeon à la chaux. Les 4 murs du rez de chaussée étaient à restaurer ainsi que ceux de l’étage, ce qui représente au total près de 350 m² de surface murale. Lors de chantiers conséquents comme celui-ci, je collabore systématiquement avec Jean-Michel Fauré, qui partage les mêmes valeurs du travail bien fait et toujours très respectueux du bâti ancien.

Comme il était difficile d’évaluer l’ampleur des travaux, aussi bien financièrement qu’en termes de temps, nous avons proposé au client de faire un premier pan de mur « témoin» avec un devis révisable, pour estimer la durée et le coût total des travaux ; ce qui nous a aussi permis de valider le résultat final avec notre client. 
Le pan de mur du rez-de-chaussée, que nous avons restauré, fait 40 m² et nous avons travaillé, Jean-Michel et moi, environ 1 mois et demi en temps cumulé, entre juillet et septembre 2016. Nous avons procédé par étapes en raison des temps de prise. 

Nous avons commencé par nettoyer le support ; nous avons gratté manuellement avec des griffes et des gros clous pour enlever le vieil enduit et les joints. Il était impossible d’utiliser le marteau piqueur pour décrépir à cause du support très fragile, en terre crue. Les soubassements étaient initialement construits en pierres de taille pour éviter les remontées d’humidité dans la terre et soutenir le poids de la structure. L’arase avait été nivelée avec un couronnement en briques foraines. La terre crue venait au-dessus. La volonté du propriétaire était de conserver l’aspect d’origine et de restaurer à l’identique pour retrouver l’authenticité du lieu.Nous avons donc piqué les briques en terre crue détériorées et changé nombre d’entre-elles, en utilisant uniquement des briques récupérées sur site issues d’une ancienne démolition. 


Nous avons fait de même pour les pierres de taille des soubassements ; celles abîmées ont été enlevées et remplacées par des pierres trouvées sur place. Quelques-unes ont été reprises et retaillées mais la plupart ont été rebâties brutes. Nous avons scellé les pierres de taille avec un mélange de chaux NHL 3.5 et du sable puis, nous les avons rejointoyées avec le même mortier que pour les briques de terre crue.

Nous l’avons un peu plus dosé en chaux et nous avons pris le même sable local, pour conserver la même teinte entre le bas et le haut du mur. Nous avons fait des tests avec i.pro RENOCAL sur une partie des soubassements en pierres mais avons finalement renoncé et opté pour de la chaux NHL 3.5, i.pro CHAUX SOCLI, plus douce en résistance et moins sujette au retrait.Les briques anciennes endommagées ont été concassées en une poussière, que nous avons tamisée.

Avec cette poudre, de la chaux et de l’eau, nous avons fabriqué de nouvelles briques de terre crue, que nous avons ensuite moulées. Il y a 2 avantages à faire ainsi : nous obtenons une argile pure de bonne qualité et la couleur des anciennes briques concassées correspond à celles restées dans le mur. Si nous devions chercher de l’argile dans les champs, elle ne serait pas de la même qualité ni de la même couleur !
Les briques réparées ont été reposées et scellées avec un mortier de terre crue (mélange d’eau et de briques pilées), technique identique à celle utilisée dans le temps car le liant des briques était uniquement fait avec de la terre, de la rafle d’orge et sa paille broyée.
Lorsque nous avons changé les briques, nous avons procédé mécaniquement à un léger sablage.Tout le mur a été humidifié pour pouvoir le travailler et cette partie a été délicate car il faut trouver le bon dosage en eau, ne pas trop en faire couler mais en mettre assez si l’on veut obtenir de l’adhérence. Le second problème avec la terre crue, ce sont les fissurations. Le dosage en eau est délicat. Il faut s’adapter au support en trouvant le bon compromis ; ce qui n’est pas toujours simple !

Nous avons réalisé quelques enduits avant de rejointoyer. En effet, autour de la cheminée, les parois étaient très détériorées et, par endroits, rats et loirs avaient creusé de gros trous. Nous les avons rebouchés avec un mortier de terre et du sable tamisé, ainsi que de la chaux NHL 3.5, sur plus de 10 cm de profondeur.


Nous n’avons conservé que les trous d’échafaudage de l’époque, que nous avons remis en état.Nous avons ensuite rejointoyé les briques de terre crue en utilisant un mélange de chaux NHL 3.5 et de sable. Nous avons fait plusieurs tests avec des dosages différents, diverses terres du secteur pour trouver la bonne couleur, que nous voulions claire. Finalement, nous avons décidé de ne pas mettre de terre locale dans l’enduit. En effet, en brossant les briques de terre crue, la poussière teinte naturellement les joints, il n’était donc pas nécessaire de rajouter de la terre.
Nous avons réalisé des joints tamisés grossiers pour laisser du grain. A la fin, nous avons prévu de mettre un fixateur de poussières « fait maison » très léger, à base de produits naturels.Autour de la porte, il y avait un linteau en bois recouvert de mortier en ciment. Nous l’avons cassé à la meuleuse, puis nous avons rebâti en terre crue autour ; pour la finition des tableaux, nous avons utilisé un mortier de terre, chaux et sable que l’on a appliqué sur une largeur de 35 cm.Nous avons tout fait manuellement avec des techniques traditionnelles, en utilisant exclusivement de la chaux NHL 3.5, i.pro CHAUX SOCLI.

Nous avons restauré à l’identique selon la volonté du propriétaire et le résultat est très satisfaisant. C’est un plaisir de réaliser ce type de chantier, qui correspond à notre envie et à notre façon de travailler. Procéder en faisant un mur témoin permet de montrer notre savoir-faire, privilégiant un résultat propre, correct, qui doit répondre aux attentes du client. L’écoute, la compréhension et la communication avec le propriétaire sont importants. Il aurait été dommage de perdre l’authenticité du lieu et par respect de celui-ci, nous n’envisagions pas de mettre de simples plaques de plâtre ou de recouvrir le mur d’un enduit. 
Grace à mon expérience professionnelle acquise depuis plus de 32 années d’entreprise, ainsi que la connaissance du bâti ancien local, des liants de chaux SOCLI et des matériaux traditionnels, ce respect du travail m’a permis d’amener a bien le projet à son résultat final. 
Sans la passion des propriétaires pour la conservation des bâtis anciens, rien ne serait possible. »

Zoom chantier

  • Surface murale : 40 m² restaurés
  • Durée du chantier : 2 mois
  • Surface totale à restaurer : 350 m²
  • Nombre de personnes sur le chantier : 2
  • Quantité de NHL 3.5 employée : environ 20 sacs pour 40 m²